Entretien avec Frédéric Thomas (CETRI) sur la RTBF. Par Jean-François Herbecq et Daniel Fontaine.
L’absence de plusieurs dirigeants à ce sommet des Amériques est-elle le signe d’un déclin de l’influence des États-Unis en Amérique latine ?
Frédéric Thomas : « C’est en tout cas un revers diplomatique pour les États-Unis. Lors de sa campagne électorale, Joe Biden avait dit qu’il renverserait la vapeur par rapport à Donald Trump qui avait tourné le dos au continent latino-américain. Joe Biden avait promis de réaffirmer l’intérêt des États-Unis pour l’Amérique latine. Ça n’a pas été le cas. Ce sommet était l’occasion de souligner le rôle et la présence des États-Unis sur le continent latino-américain. On voit que c’est déjà un échec, avec, a contrario, l’affirmation d’un régionalisme latino-américain. C’est une défaite partielle pour l’hégémonie des États-Unis sur le continent. »
Les propositions américaines ne sont pas susceptibles de convaincre ?
Frédéric Thomas : « Ils n’ont pas grand-chose à proposer aux pays latino-américains. Il n’y a pas de nouveau programme d’aide suite à la pandémie. La question de la migration répond avant tout à un problème de politique intérieure des États-Unis, et pas aux nécessités des pays latino-américains. Les États-Unis n’ont pas grand-chose à offrir, et ce qu’ils mettent en avant, comme Trump l’a fait, c’est América first. »
Quelles seront les conséquences de l’absence de plusieurs dirigeants sur les décisions qui pourront être prises lors du sommet ?
Frédéric Thomas : « Le Mexique est tout de même le premier partenaire commercial des États-Unis. Il joue un rôle clé dans les migrations. En son absence, on peut s’attendre à peu de grands accords ou de renouveau, mais à des déclarations, sans nouvelle politique d’accord. L’appui à la démocratie est la raison invoquée pour laquelle Venezuela, Cuba et Nicaragua n’ont pas été invités. Mais le fait que Bolsonaro soit présent, ainsi que les présidents haïtien et colombien qui ont mis en cause l’Etat de droit dans leurs pays montre que ce discours-là ne passe plus. Donc, il ne faut pas en attendre grand-chose de ce sommet des Amériques, je pense. »
Ce désintérêt américain a-t-il laissé la place à une influence croissante de la Chine dans la région ?
Frédéric Thomas : « Oui, cela fait des années que la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil, du Chili, du Pérou, de l’Uruguay. Et le deuxième en termes d’importations de nombreux pays d’Amérique latine. Ces échanges commerciaux avec la Chine, contrairement à ceux avec les États-Unis, ne sont liés à aucune contrepartie politique. C’est le marqueur d’un régionalisme latino-américain et d’une entrée en force depuis le début du millénaire de la Chine dans les relations commerciales avec l’Amérique latine. »