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Quel est le rôle de la France dans l’histoire de la dette haïtienne ? 

Le New York Times a publié plusieurs articles sur la dette haïtienne et la manière dont la France a exigé à son ancienne colonie de payer son indépendance. Le quotidien américain estimant par ailleurs que cette dette a eu un coût considérable sur le développement économique d’Haïti. Analyse, avec Frédéric Thomas.

Depuis la publication le 20 mai 2022, dans le New York Times, d’articles sur le coût de la dette haïtienne et le rôle de la France dans cette histoire, une question se pose : sans cette dette, est-ce qu’Haïti serait devenu l’un des pays les plus pauvres au monde ? Le quotidien américain a estimé que cette dette avait coûté à Haïti entre 20 et 108 milliards d’euros de pertes sur deux siècles, autrement dit depuis son indépendance en 1804. Quel a été le rôle de la France ?

Guillaume Erner reçoit Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques, auteur de Haïti : l’échec humanitaire, ed. Couleur Livres, chargé d’études au CETRI, une ONG basée à Louvain-la-Neuve en Belgique et spécialisée sur les rapports Nord-Sud.

La France face à l’indépendance d’Haïti

La révolution haïtienne prolonge et radicalise la révolution française selon Frédéric Thomas. « En 1803 la révolution chasse les troupes napoléoniennes et instaure le premier État indépendant d’Amérique du sud où d’anciens esclaves noirs prennent le pouvoir. Jusqu’en 1815, la France est engagée dans des guerres napoléoniennes. Charles X arrive au pouvoir et en 1825 falsifie l’Histoire en éditant une ordonnance selon laquelle Haïti doit dédommager les anciens colons ». A cette condition, la France reconnaitra son indépendance au pays, obtenue vingt-et-un ans plus tôt. Les remboursements s’étaleront jusqu’en 1957.

Une double dette qui s’inscrit dans une politique néocoloniale

« On parle de double dette. Non seulement Haïti va devoir payer la dette mentionnée, mais pour la payer le pays devra emprunter l’argent dans des banques françaises à des taux d’intérêts élevés. L’accumulation du remboursement de la dette et des intérêts fait qu’Haïti payera pendant plus d’un siècle » explique Frédéric Thomas.

Cette dette a servi en partie à financer la Tour Eiffel. « L’essentiel des fonds de cette dette a été investi en France et non pas en Haïti où elle aurait pu servir à construire des routes, des hôpitaux, etc. »

Relancer le débat

Le débat a déjà été relancé par l’ancien président Aristide en 2003. Mais pour Frédéric Thomas, cela fait des années que les intellectuels haïtiens relancent le débat. « François Hollande l’a esquivé en parlant de dette morale ».

« Le sentiment est ambivalent dans la population haïtienne, à la fois contente que l’histoire soit relayée par le New York Times et en même temps frustrée de ne pas être entendue elle-même ». L’histoire de cette double dette étant connue depuis longtemps par les historiens.

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Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.

En juin 1793, le nouveau gouverneur de Saint-Domingue, François-Thomas Galbaud du Fort, déclenche une insurrection contre les commissaires civils de la République française. Pendant les troubles, certaines parties de la ville de Cap-Français sont incendiées.
En juin 1793, le nouveau gouverneur de Saint-Domingue, François-Thomas Galbaud du Fort, déclenche une insurrection contre les commissaires civils de la République française. Pendant les troubles, certaines parties de la ville de Cap-Français sont incendiées.

(Gravure de Pierre-Gabriel Berthault, Jean Duplessi-Bertaux & Jacques François Joseph Swebach. CC https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_incendie_du_Cap_Francais_1793.jpg)