En cause, essentiellement la revendication non satisfaite de l’opposition de libérer tous les prisonniers politiques. Parmi eux se trouve la Belgo-Nicaraguayenne Amaya Coppens. La jeune étudiante en médecine a arrêté sa grève de la faim, mais elle attend toujours un procès qui est sans cesse remis, ou une libération, qui n’est toujours pas accordée.
En tout, ils sont entre 600 et 800 toujours derrière les barreaux, emprisonnés après la forte mobilisation sociale déclenchée en avril de l’année dernière.
Une délégation de militantes nicaraguayennes est en Belgique depuis lundi, accueillie par le CETRI - Centre tricontinental. Elles sont arrivées dans la capitale européenne pour expliquer les motivations de l’opposition.
Parmi elles, Maria Teresa Blandon est une femme reconnue pour son combat féministe. Sandiniste, elle a participé au mouvement de libération nationale aux cotés de Daniel Ortega dans les années ’70.
Mais les dérives du régime l’ont vite éloignée du parti au pouvoir, un pouvoir qu’elle critique fortement : « L’articulation du mouvement social et du mouvement féministe font partie d’une plateforme d’opposition, l’Unité nationale bleue et blanche (UNAB, ndlr). Ce sont les couleurs du drapeau national. Et elles ont une signification, parce que le régime de Daniel Ortega et de Rosario Murillo ont depuis le début de la crise réprimé toutes les formes d’opposition qui arboraient ces couleurs. Et dans l’Union bleue et blanche, nous avons un objectif commun qui est la destitution du gouvernement Ortega-Murillo… »
La police du gouvernement de Daniel Ortega est en cause, et sa femme, Rosario Murillo, est aussi pointée du doigt : elle est une figure centrale du pouvoir.
Violations des droits des femmes
« En tant que féministes, ça fait en réalité douze ans que nous dénonçons les violations des droits humains par ce régime, poursuit Maria Teresa Blandon, mais dans toutes les organisations, celles des étudiants, des femmes et des paysans, nous nous sommes retrouvés dans la protestation dès le premier jour, dès le premier assassinat par la police d’Ortega-Murillo. »
En avril et en mai 2018, on dénombre plus de 300 personnes qui seraient décédées à cause de la répression policière.
Le régime Ortega-Murillo a été caractérisé, pour Maria Teresa Blandon, par des restrictions des droits des femmes, dans presque tous les domaines : « Il y a la complaisance du régime face à la violence conjugale machiste qui a atteint des sommets. Les victimes se comptent par milliers, et l’action gouvernementale face à ce problème est nulle. Il y a aussi la pénalisation totale de l’avortement, qui a entraîné la mort de femmes qui, pour la plupart, vivent dans la pauvreté. »
L’interdiction de l’avortement a été entérinée par Daniel Ortega pour se garantir l’appui de l’Église nicaraguayenne et revenir au pouvoir en 2007.
Zones franches et bas salaires
Ils seraient donc loin, les principes révolutionnaires : rappelons que l’étincelle des manifestations du 18 avril 2018 a été la diminution des montants des retraites.
Il y a également la dureté du travail dans des zones économiques particulières, appelées zones franches.
« La situation des travailleuses de ces zones franches s’est dégradée ces dernières années, ajoute Maria Teresa Blandon, à cause des accords que le régime a passé avec les multinationales ; ces accords violaient les droits du travail en général. »
Bas salaires, conditions de travail au rabais... des avantages accordés aux grandes multinationales américaines, mais aussi aux hommes d’affaires du pays : le régime a fini par faire l’unanimité contre lui.
Mais ce ne sont pas les partis d’opposition qui sont à la pointe du combat des opposants. Maria Teresa Blandon explique qu’ils ont été muselés, ou corrompus.
« Nous demandons tout d’abord la libération des prisonniers politiques, le désarmement des paramilitaires, et la possibilité pour les exilés de rentrer au pays (on estime leur nombre à 15 000 personnes, ndlr) (...) Le défi aujourd’hui est que, sans les partis politiques d’opposition, il faut qu’il y ait des initiatives. Mais ce n’est pas admissible que Daniel Ortega reste. »
Pour Maria Teresa Blandon, le départ du couple Ortega-Murillo est, aujourd’hui, non négociable.