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Le Maroc face au coronavirus : un horizon de crises

Face au covid-19, le Maroc a principalement réagi en mettant en place une double batterie de mesures, financières et « sociales », d’une part, sanitaires et répressives, de l’autre. Le discours officiel se veut rassurant, mais l’impact négatif de la pandémie sur l’emploi et la situation sociale sera considérable. L’enjeu est d’inventer dès maintenant des mécanismes de solidarité et de mobilisation par « en bas ».

Depuis des décennies, le système de santé publique au Maroc connaît une asphyxie budgétaire. Le pouvoir a fait le choix de privilégier les cliniques privées, suivant en cela les injonctions des institutions financières internationales. Les hôpitaux publics sont, pour nombre d’entre eux, dans une situation de délabrement, et concentrés géographiquement. Un rapport de l’OMS de 2018 notait que « le secteur public comprend 2.689 centres de soins de santé primaires et 144 hôpitaux à différents niveaux : local, provincial, régional et tertiaire. Le nombre total de lits hospitaliers est de 22.146. Le secteur privé est composé de 6.763 cabinets privés et de 439 cliniques, concentrés dans les zones urbaines et dans le nord de la côte Atlantique. Le système de santé connaît une pénurie importante de ressources, en particulier de ressources humaines : la densité est de 0,68 médecins et 0,84 infirmiers et sages-femmes pour mille habitants. Par ailleurs, malgré une augmentation du budget de la santé, l’investissement dans le secteur de la santé reste faible (moins de 6% PIB) et les dépenses directes des ménages élevées (autour de 54%)  » [1].

Le Royaume est certainement loin du standard international établi par l’OMS, qui stipule qu’il faut un médecin pour 650 habitants et une part de 10 à 12% dans le budget de l’État [2]. Ces dernières années, nous avons assisté à des mobilisations importantes, en particulier chez les étudiant-e-s en médecine contre les processus de privatisation et de contractualisation, qui aboutissent à dégrader vers le bas les conditions de travail du personnel soignant. Les mobilisations portées par différents « hiraks  », lourdement réprimés comme dans le Rif, exigeant, entre autres, des infrastructures sanitaires, ont également marqué l’actualité récente [3].

C’est dans ce contexte que l’épidémie a fait son apparition au Maroc. Dix jours après le premier cas de covid-19, le 4 mars, les frontières et les écoles ont été fermées, et un confinement décrété le 20 mars, en même temps que l’état d’urgence sanitaire. À ce jour (21 Mai), le bilan officiel est de 7.185 cas d’infection, 4.212 guérisons et 196 décès [4]. Les autorités ont réagi principalement par deux sortes de mesures, les unes définissant un volet financier et « social », les autres pouvant s’apparenter à un volet sanitaire et répressif.

Le volet financier et social

Ce volet s’est traduit principalement par la création d’un « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus » bénéficiant du budget général de l’État et de la contribution de plusieurs organismes et institutions [5]. Un Comité de veille économique (CVE), composé de huit membres du gouvernement, de la Bank Al Maghrib (BAM), du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), de la CGEM (syndicat patronal) et de la Fédération des chambres du commerce, de l’industrie et des services, et celle des chambres de l’artisanat, a également été créé. On y retrouve quelques grands fortunés du pays et des hauts fonctionnaires chargés de statuer sur le sort des millions de ménages « vulnérables ». Parmi les principales mesures qui ont été prises : la suspension du paiement des charges sociales (cotisation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS)), un moratoire pour le remboursement des crédits bancaires au profit des entreprises, le report des échéances fiscales. De même, les contributions de différentes entreprises ont été qualifiées de don revêtant « le caractère de charges comptables déductibles du résultat fiscal ».

D’autres mesures ont été précisées concernant la population : le versement d’une allocation de 2.000 dirhams (180 euros) pour celles et ceux contraints à un chômage technique, à condition qu’ils/elles soient déclaré-e-s à la CNSS, en sachant que le nombre de salarié-e-s déclaré-e-s est extrêmement bas [6]. Pour les autres catégories, notamment ceux qui étaient inscrits à la RAMED [7] fin décembre 2019, l’aide prévoit « 800 dirhams (72 euros) pour les ménages de deux personnes ou moins, 1.000 dirhams (90 euros) pour les ménages formés de trois à quatre personnes, 1.200 dirhams (108 euros) pour les ménages de plus de quatre  ». Quant à ceux qui sont plongés dans l’invisibilité totale, ne bénéficiant ni de la CNSS ni de la RAMED, soit près de 46% de la population active ne bénéficiant d’aucune couverture médicale, « les mêmes montants seraient accordés progressivement par le biais d’une plateforme électronique dédiée au dépôt des déclarations ». La « politique sociale » se résume à une logique de charité publique qui concernerait, au-delà des différences de statuts, près de 70% de la population. À noter que plus d’un mois après le début du confinement, alors que la tranche du deuxième versement devrait avoir débuté depuis le 7 mai, nombreux sont ceux et celles qui n’ont reçu aucun « premier » versement, ni même des « paniers alimentaires » dérisoires.

Ce qui transparaît d’une manière explicite peut se résumer en quelques points :

a) la gestion du fonds n’appartient pas au gouvernement, complètement dessaisi du dossier, traduisant le caractère absolu d’un pouvoir qui, en temps de crise, ne s’embarrasse même pas de sa façade démocratique.
b) la priorité donnée au maintien de l’activité économique et des intérêts des grandes entreprises.
c) l’absence de transparence sur les arbitrages et la répartition du budget dédié. Combien iront spécifiquement au secteur de la santé ? En fonction de quels critères ?
d) le caractère conjoncturel des aides financières faisant fi de mesures budgétaires à plus long terme, comme une « loi de programmation budgétaire » pour reconstruire un système de santé efficient.
e) la continuation des politiques d’austérité exigées au nom de la priorité nationale de lutte contre l’épidémie. En effet, ont été décidés en même temps que les mesures sanitaires le gel des carrières, des promotions et des embauches, des « budgets non stratégiques » (?), mais aussi, une ponction directe sur les salaires des fonctionnaires (un jour mensuel durant les trois mois à venir), y compris les retraités, pour alimenter le fonds spécial de lutte contre le covid-19.

Cette ponction fait l’impasse sur une taxation spécifique des grandes fortunes, et exonère de fait le patronat. Il s’agit de faire financer, par des catégories sociales modestes, les défaillances des politiques publiques en matière de santé et d’aider les entreprises à passer le cap de la crise. Aux un-e-s, la charité publique, des licenciements de masse, des baisses de salaire, des ponctions obligatoires ; aux autres, toutes les aides pour compenser la baisse des profits. Il s’agit au fond de l’application du vieux principe de « socialisation des pertes ». À ce volet financier et « social », se combinent les mesures visant à confiner la population.

Cloisonner l’espace de circulation

Les mesures donnant corps à la politique de confinement s’avèrent contradictoires et inadaptées :

  Une grande majorité de la population n’a d’autres moyens de subsistance économique que par l’intermédiaire d’activités informelles dans l’espace public ou d’un travail journalier.

  De même, l’existence d’un secteur massif de la population vivant dans des conditions de promiscuité spatiale (bidonvilles) ou sans logement ou dans des logements surpeuplés, constitue une limite à l’efficacité d’une politique de confinement.

  La question de l’arrêt de la production dans tous les secteurs non essentiels, en cohérence avec une politique de confinement, est refusée. Malgré l’existence d’une commission de contrôle gouvernemental visant à vérifier la conformité des entreprises aux exigences sanitaires, ces dernières sont rarement respectées.

  Le confinement se limite à un ordre à exécuter du seul fait qu’il est ordonné par l’État. Si ailleurs on applaudit les soignant-e-s, au Maroc il est demandé d’applaudir, sans succès, la police et de chanter l’hymne national. Sans répondre aux questions sociales spécifiques que peut générer une politique de confinement sur la durée, et en particulier la perte de ressources pour des secteurs importants de la population et les conditions de vie dans les logements populaires.

Des politiques sanitaires menées sous l’état d’urgence

Le discours officiel se veut rassurant, laissant entendre que l’épidémie est maîtrisée, que le pic est quasiment atteint, que le nécessaire est fait, mais plus le temps passe, plus il apparaît qu’il n’y a aucune maîtrise de la dynamique de la contagion, en particulier sur les lieux de travail. Le fait que dans certains quartiers populaires, l’appel au confinement s’accompagne d’une démarche punitive [8] ou visant la destruction des charrettes ambulantes ou de souks informels établis, laisse transparaître la permanence de la guerre contre les pauvres.

En complément des masques, dont la pénurie, réelle ou construite, malgré les chiffres de plusieurs millions annoncés, révèle l’absence d’un contrôle public établi de longue date sur les processus de production, de distribution et de stockage du matériel médical de base, le pouvoir envisage le traçage du covid-19. Le risque est que ce logiciel serve à d’autres usages, à tracer les citoyen-ne-s plutôt que les virus, d’autant que c’est le ministère de l’intérieur qui en sera le propriétaire ; le ministère de la santé n’étant que l’usager temporaire du système. Il suppose néanmoins que l’application soit téléchargée massivement, ce qui est loin d’être certain.

Les autorités ont annoncé également la commande de 100.000 tests de « dépistage rapide » pour élargir la détection précoce (actuellement environ 2.000 par jour). Leur acquisition reste à vérifier compte tenu des difficultés d’approvisionnement. En tout état de cause, cela s’apparente plus à une extension des possibilités de dépistage, essentiellement dans les grandes villes, des contacts des personnes ayant contracté le virus, mais en deçà d’une politique qui permettrait un diagnostic plus large.

La première impression qui se dégage après cet état des lieux est la prédominance d’un discours de communication visant à suggérer qu’il n’y a absolument aucun risque sanitaire majeur. Que l’État, en somme, comme à son habitude, a une capacité d’ajustement qui révèle son caractère d’exception historique. Au Maroc, la crise n’existe pas. Cette vision idyllique valorisant l’État profond et ses appareils sécuritaires cadre mal avec la réalité et peut se retourner comme un boomerang contre ses promoteurs. Car, dans les faits, l’épidémie est un ennemi hétérodoxe : il se nourrit des failles et des contradictions du système : le mode d’habitat et d’urbanisation, l’absence de politiques de prévention et d’un système de santé ancré dans les besoins, la dépendance par rapport au marché mondial des médicaments, les conditions de travail, etc. À son tour, le discours unanimiste ne peut masquer la réalité d’autres « crises » qui couvent, nécessitant de saisir la complexité politique de la situation.

Cerner l’enjeu politique de la conjoncture

Si nous devons exiger des autorités qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires à la protection sanitaire et sociale de la population, il serait dangereux et hasardeux de s’en remettre à elles seules. La mobilisation indépendante des acteurs sociaux est indispensable. C’est en inventant des mécanismes de solidarité par « en bas », en refusant collectivement le traitement dérisoire de l’urgence sanitaire, en exigeant, ici et maintenant, une politique sociale, que pourra naître un mouvement populaire. La réalité délabrée de la « santé publique » est comme un miroir grossissant de l’échec des politiques de prédation et de marchandisation. Petit à petit, apparaît aux yeux de l’opinion publique le décalage entre les annonces faites et le vécu, les différences sociales face à l’épidémie. Nous ne sommes pas tous égaux face au virus. Et le « succès » promu de la production locale des masques ne peut faire l’impasse sur la pénurie pour tout le reste.

L’État devra en outre faire face à la certitude d’une récession d’ampleur internationale et nationale durable aux conséquences plus profondes qu’en 2008. Le rétrécissement des marchés d’exportation, notamment dans la zone euro, principal partenaire commercial, le renchérissement prévisible des prix des produits alimentaires importés, la chute des investissements locaux et étrangers, des recettes du tourisme et des apports des ressortissants marocains à l’étranger, sont des indices précurseurs, dont les conséquences se déploieront sur un tissu social déchiré par des décennies de politiques d’austérité, de contre réformes libérales, d’inégalités sociales et territoriales multiples.

La paupérisation qui accompagne la crise sanitaire risque de se combiner à court et à moyen termes avec les conséquences de la crise globale et l’explosion du chômage de masse. Ainsi 57% des entreprises sont en arrêt temporaire et 6.300 d’entre elles ont cessé leurs activités. Une proportion également considérable a vu une nette baisse d’activité. Les secteurs les plus touchés concernent le transport, le BTP (bâtiment et travaux publics), le tourisme et le petit commerce. Fin avril, plus de 900.000 salarié-e-s sont comptabilisés à l’arrêt. Pour le seul secteur du tourisme l’impact sur l’emploi concernerait potentiellement 500.000 personnes. Mais aucun secteur n’est en réalité épargné. En outre, la sécheresse de cette année risque de se traduire par une chute de 50% de la production de blé, et impliquer une augmentation sensible des importations, alors que le pays est déjà fortement dépendant en matière de denrée de bases (blé tendre, sucre, mais, huile de graines…).

Toute la stratégie du pouvoir est de resserrer le discours d’unité nationale face à l’épreuve en valorisant la centralité de la monarchie et la prétendue efficacité de l’État profond. À ce rassemblement national, se combine une stratégie plus insidieuse visant à opposer les salarié-e-s entre eux. D’un côté, les secteurs de la classe moyenne et celles et ceux qui bénéficient d’un système de sécurité sociale. De l’autre, les catégories populaires de l’économie informelle, celles et ceux qui sont exclu-e-s de toute sécurité sociale ou sont enregistré-e-s dans un régime spécifique. Cette division elle-même s’appuie et encourage une logique de repli et de survie qui vise à ce que chacun-e fasse part de ses demandes d’une manière atomisée. Et ce alors qu’il apparaît que les principales victimes sont les catégories subalternes, les prisonnier-e-s, les ouvrier-e-s des usines et des champs, les pauvres, les migrant-e-s, les mères célibataires… et qu’une large majorité de la population devra payer les restructurations à venir, pour compenser « les dépenses exceptionnelles » et les dépenses structurelles d’un sauvetage de l’économie capitaliste de rente périphérique.

La biopolitique des dominants dépolitise la crise sanitaire par une gestion technocratique et sécuritaire, au jour le jour, de sorte que la maladie, la mort et le désarroi restent des questions sans enjeu politique, sans possibilité qu’émerge une parole de la société sur ce qui l’atteint, dans son corps même. Pourtant, au-delà des chiffres qui se veulent rassurant, il apparaît clairement que le pouvoir ne peut masquer l’expansion des foyers de contamination dans les usines, ni imposer sur la durée un confinement sur la base de la charité publique. Le risque est que la vague, même stabilisée à la baisse, s’étale dans le temps, avec la part d’inconnu qu’impliquerait la sortie du confinement. Le pouvoir doit jongler entre le maintien de sa légitimité et la logique du patronat et de la caste prédatrice, qui visent à court terme la reprise de « l’activité économique ». Aucun scénario ne semble crédible, poussant les autorités à décaler une éventuelle sortie vers le 10 juin.

Quitte à ce qu’entre temps, soit expérimentés, en grandeur nature, les procédures d’un couvre-feu, la réhabilitation des vieux habits de l’appareil despotique, avec de nouvelles technologies de surveillance, le retour de l’impunité policière et la répression ordinaire dans l’espace public, la criminalisation des résistances et de la liberté d’expression [9]. Comme si le pouvoir prenait sa revanche sur ces dernières années où les mouvements sociaux les plus divers ont commencé à franchir les « lignes rouges ». Le déploiement des blindés dans les grandes villes est une adresse à la société, face aux risques sociaux et politiques assez prévisibles, en cas d’une réelle vague épidémique, ou quand, d’une manière plus certaine, la réalité sociale de la crise économique et de la paupérisation ne pourra plus être « confinée ».

Crise sociale, sanitaire et politique vont se nouer d’une manière explosive dans la période qui vient, quel que soit le degré de maîtrise de la propagation du virus. Il appartient à la société civile indépendante, aux forces réellement attachées au combat pour la justice sociale, de porter les axes sociaux et démocratiques d’un combat pour la conquête des droits fondamentaux et la liberté, ici et maintenant, dans une perspective émancipatrice. Ce serait une grave illusion de croire que le sommet a pris conscience de l’inanité des politiques suivies jusqu’à ce jour et qu’il va changer de « modèle » demain ou que le débat et l’action sur les options possibles doivent se faire après la sortie de la crise sanitaire. L’enjeu est de préparer notre camp social au refus d’un retour à la normalité et aux convulsions sociales et politiques à venir.


Notes

[1OMS Maroc, Stratégie de coopération. Un aperçu, mai 2018, https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/272538/ccsbrief-mar-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y.

[2À titre d’exemple, la dernière loi budgétaire a consacré 110 milliards de dirhams (10,17 milliards d’euros) pour la défense et seulement dix-huit pour la santé. En pleine crise sanitaire, le Maroc vient d’emprunter auprès de BNP Paribas 192 millions d’euros pour l’achat de missiles français.

[3Lire État des luttes. Moyen-Orient et Afrique du Nord, Alternatives Sud, XXV - 2018, n°4, Cetri/Syllepse.

[4La faiblesse relative du nombre de décès n’est pas spécifique au Maroc, elle concerne nombre de pays de la région. L’explication de cette situation reste à élaborer. Faut-il y voir les effets de la structure démographique (population jeune), l’absence de structures d’accueil des personnes âgées (des « Ehpads ») ? Les effets d’une politique de confinement précoce ? La faiblesse de la densité industrielle et des vecteurs d’échange à l’échelle du pays ? D’autres facteurs spécifiques ? Elle ne préjuge pas sur les évolutions possibles sur le long terme.

[5Un tableau de situation des comptes et des affectations a été publié dans un premier temps sur le bulletin de la trésorerie générale du royaume, avant d’être supprimé fin mars. Il apparaissait que de nombreux dons annoncés de la part des grandes entreprises (comme les deux milliards d’Al Mada) n’étaient pas versés. De fait, la réalité finale des contributeurs n’apparaît pas, ni les affectations prévues et réalisées. Les dernières estimations notaient un fonds équivalent à trois milliards d’euros.

[6Dans les faits, beaucoup de salarié-e-s sont directement licencié-e-s, sans perspectives de reprise, et découvrent que leurs patrons ne les avaient pas déclaré-e-s à la CNSS.

[7RAMED : régime d’assistance médicale qui représente un filet de protection sociale minimaliste.

[8Le non-respect du confinement et du port du masque constitue une infraction pouvant donner lieu à trois mois de prison, une amende de 1.300 dirhams (115 euros). Les forces de l’ordre ont interpellé plus de 85.000 contrevenant-e-s entre le 15 mars et 30 avril, et des milliers ont été traduits en justice. Depuis, le ministère de l’intérieur ne communique plus les chiffres ; l’usage répressif ayant été condamné au niveau international, y compris à l’ONU.

[9Un projet de loi préparé en catimini a soulevé un tollé, contraignant le gouvernement à le reporter. Il visait à instaurer « une peine de six mois à trois ans de prison » et une amende de 5.000 à 50.000 dirhams (462 à 4.620 euros) contre toute personne qui « appelle à boycotter certains produits, biens ou services ou y incite publiquement par le biais des réseaux sociaux ou réseaux de diffusion ouverts ». Cette tentative de contrôler l’usage des réseaux sociaux est imbriquée à la crainte d’un développement des contestations sociales dans la période à venir. Le boycott de différents produits en 2018 avait déstabilisé les registres traditionnels de la gestion sécuritaire, et mis en évidence la confluence entre le grand patronat et le « pouvoir politique ».


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