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La région Bruxelles-Capitale ne peut pas ratifier en l’état l’accord de commerce UE-Colombie-Pérou-Equateur

Le gouvernement bruxellois discute actuellement de la transmission au Parlement d’un accord commercial entre l’Union européenne (UE) et trois pays andins (Pérou, Colombie, Equateur), largement rejeté par les syndicats et organisations de la société civile. Ce traité étant contraire aux balises de l’accord de majorité, la Région bruxelloise doit exiger des garanties solides pour accepter sa ratification.

Carte blanche dans Le Soir signée par un collectif d’organisations dont le CETRI.*

L’accord, signé en 2012 et en application provisoire depuis lors, doit encore être ratifié par la Région bruxelloise et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour être d’application totale et définitive. Or, depuis 2012, syndicats et organisations de la société civile européenne et des trois pays latino-américains se sont à de nombreuses reprises prononcés contre cet accord dans son état actuel. Plusieurs partis de la majorité ont par ailleurs dénoncé l’approbation wallonne lorsqu’ils étaient eux-mêmes dans l’opposition, en 2018.

Or, le contenu de l’accord n’a pas changé depuis lors et les dangers qu’il représente se sont confirmés avec les années. Différents rapports [1] montrent qu’il contribue à enfermer les pays andins dans un rôle d’exportateurs de matières premières, qu’il accentue les pressions sur les terres et, partant, les menaces sur les défenseurs des droits humains et de l’environnement, ou encore que son impact en termes d’amélioration institutionnelle, juridique ou de renforcement des droits du travail et du travail décent sont quasi inexistants. [2]

Dans le document accompagnant la plainte déposée par les syndicats et organisations sociales péruviennes auprès de la Commission européenne en 2017 et actualisée en 2022 pour « manquement du gouvernement péruvien à ses obligations découlant de l’Accord commercial entre le Pérou et l’Union européenne » [3], ces organisations démontrent que l’État péruvien n’a pas respecté les engagements qu’il a formellement pris en matière de protection du travail ou en matière de protection de l’environnement. Or, cette plainte n’a toujours pas abouti aujourd’hui.

Si les mécanismes de plainte prévus dans l’accord s’avèrent inefficaces pour résoudre ce type de problèmes et combattre les violations des droits humains, il est indispensable que l’UE réforme ces mécanismes et que les parlements nationaux et régionaux ne ratifient pas l’Accord tant qu’une révision de ces mécanismes n’est effective. La Région bruxelloise devrait dès lors attendre la conclusion de ce processus pour donner son assentiment à la ratification du traité de libre-échange.

Répression des mobilisations

La situation dans les trois pays andins reste très critique. Au Pérou, ces dernières semaines, de nombreuses mobilisations ont été réprimées brutalement par les forces armées [4]. Dans une moindre mesure, en Equateur, les manifestations sociales sont également réprimées. En Colombie, l’arrivée du Président Petro offre des perspectives positives, notamment pour le processus de paix, mais les violations des droits humains continuent d’affecter les populations rurales. [5]

Face à ces situations, la Belgique et l’UE doivent agir beaucoup plus fermement : elles doivent mettre en application un processus de sanctions envers les autorités des pays andins, pouvant aller jusqu’à la suspension des avantages liés à l’Accord de commerce. Par ailleurs, l’Accord de commerce devrait être renégocié pour rendre réellement contraignant son chapitre consacré au développement durable.

À la Région Bruxelles-Capitale de jouer !

La Région Bruxelles-Capitale a donc un rôle à jouer : le consensus croît en Europe et en Amérique latine sur la nécessité de rendre les accords de commerce compatibles avec l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable. Bruxelles n’est donc pas en retard mais en avance ! C’est pourquoi la Région doit être conséquente avec les engagements pris en début de législature et exiger au minimum, en contrepartie de son assentiment, des garanties fermes de négociation d’un protocole additionnel de valeur juridique égale à celle de l’Accord, et qui contienne des normes sociales et environnementales contraignantes et exécutoires. Il s’agit là d’une question de cohérence : les dix années de gel de la ratification n’auront eu aucun sens que si cette dernière est conditionnée à des avancées juridiquement contraignantes.

*Signataires : Arnaud Zacharie, secrétaire général CNCD-11.11.11 ; Estelle Ceulemans, secrétaire générale FGTB Bruxelles ; Benoît Dassy, secrétaire régional bruxellois CSC ; Michaël Dufrane, secrétaire régional bruxellois CGSLB ; Bernard Duterme, directeur du Centre tricontinental (CETRI) ; Renaud Vivien, coordinateur du Service politique Entraide et Fraternité ; Charlotte Limborg, Quinoa ; Paula Andrea Polanco Palacio, présidente intal Globalize Solidarity ; Francisco Steinmetz, administrateur ACDA (Pérou) ; Santiago Fischer, coordinateur du plaidoyer et de la recherche WSM.

Voir en ligne La Région Bruxelles-Capitale ne peut pas ratifier en l’état l’accord de Commerce UE-Colombie-Pérou-Equateur

Notes

[1Voir notamment : Debates Urgentes. Impactos del TLC con la UE (en Perú) ou https://americalatinasintlc.org/2021/12/20/tlc_con_ue/

[2Ibid., Debate Urgentes.

[3Lire : Développement durable : la société civile dénonce les dérives au Pérou

[4Lire le communiqué des réseaux EU-LAT et PEP du 22 janvier.

[5Pour l’année 2021, le Haut-Commissariat des NU de droit de l’Homme a documenté 78 massacres et 100 meurtres de défenseurs des droits humains.


Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.