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L’accord UE-Mercosur aggrave les déséquilibres

UE : stop aux accords qui favorisent les grandes entreprises au détriment des paysans et des droits humains

Ces 17 et 18 juillet se tient le sommet UE-CELAC où vont négocier les leaders politiques d’Amérique latine et de l’Union européenne. L’exemple à ne pas suivre est le dramatique accord commercial UE-Mercosur qui met la démocratie, l’environnement et les droits humains en danger.

Une carte blanche ’La Libre Belgique’ de Francesca Monteverdi (Entraide&Fraternité), Nicolas Van Nuffel (CNCD-11.11.1) et Laurent Delcourt (CETRI – Centre tricontinental)

Les 17 et 18 juillet, lors du sommet UE-CELAC, les leaders politiques d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne se réuniront pour discuter de la politique commerciale des deux régions. Le Brésil et l’Espagne, qui assurent respectivement la présidence tournante du Mercosur et du Conseil européen, souhaitent une ratification de l’accord commercial UE-Mercosur d’ici à la fin de l’année. Au risque d’aggraver encore les violations des droits des organisations paysannes, des mouvements sociaux et des peuples autochtones.

Un modèle dépassé

L’accord UE-Mercosur vise à intensifier les échanges entre les deux blocs économiques, qui représentent 780 millions de consommateurs. L’UE en bénéficiera dans les secteurs de l’automobile, de l’industrie chimique et pharmaceutique, tandis que le Mercosur bénéficiera de l’exportation de ses produits agricoles. Cet accord incarne un modèle dépassé qui favorise le commerce de produits avec un impact néfaste sur la déforestation, le climat et la santé (soja, éthanol, viande bovine, pesticides…). Au Brésil, les changements d’affectation des sols dus à l’agro-industrie, y compris la dégradation des forêts, représentent près de la moitié des émissions du pays (49 %). L’accord UE-Mercosur augmentera ces émissions et intensifiera les conflits liés aux ressources naturelles.

En négociation depuis plus de 20 ans, l’accord a été scellé au niveau politique pendant la présidence de Bolsonaro, avant que les excès de ce dernier n’entraînent un retard dans les négociations de mise en œuvre. Il ressort des tiroirs suite à l’élection de Lula. Son contenu ne change pas mais la nouvelle présidence brésilienne semble avoir levé toutes les inquiétudes européennes. Malgré des négociations opaques, le rejet public des deux côtés de l’Atlantique et l’opposition de plusieurs parlements nationaux et gouvernements de l’UE, les négociations se poursuivent.

Le Brésil post-Bolsonaro inquiète

Après la présentation par l’UE d’une déclaration additionnelle renforçant les exigences environnementales, les pays du Mercosur s’apprêtent à présenter leurs revendications. Ils s’inquiètent surtout du possible impact négatif sur l’industrie latino-américaine et de l’éventuelle ouverture des leurs marchés publics. D’ailleurs, ils restent fermement opposés aux nouvelles clauses environnementales qui pourraient nuire aux recettes d’exportation de l’agro-industrie. La perspective d’un compromis s’éloigne et la réussite des négociations repose principalement sur le président Lula, perçu par les médias internationaux comme le symbole d’un retour à l’État de droit. Toutefois, la réalité du Brésil post-Bolsonaro révèle une démocratie moins solide qu’il n’y paraît.

Selon la Commission pastorale de la terre (CPT), les conflits fonciers au Brésil ont augmenté de 16,7 % (1.572 cas) en 2022, affectant 181.304 familles. Depuis l’élection de Lula, ce taux ne cesse de croître. Le président est dans une position politique délicate. Les partis alliés ne contrôlent que 20 %, des sièges du Congrès, ce qui place le président dans une situation de quasi-cohabitation face à un Congrès conservateur, dominé par une extrême-droite bolsonariste déterminée. Les puissants intérêts de l’agro-industrie et les blocages conservateurs entravent les initiatives de protection des droits des communautés paysannes, des peuples autochtones et de la nature.

Paysans et peuples autochtones sont dans le viseur

La situation s’est encore récemment détériorée pour les mouvements sociaux et les organisations paysannes. La Chambre des députés a en effet mis en place une Commission parlementaire d’enquête (CPI) pour enquêter sur “le véritable objectif” du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST). Au niveau des États fédérés, 23 projets de loi de criminalisation des mouvements paysans sont en discussion dans 21 États différents.

Les peuples autochtones ne sont pas épargnés. En mai, les députés du Congrès ont adopté la loi dite “du repère temporel”, imposant de sévères restrictions à l’homologation de nouvelles terres autochtones. Parallèlement, les parlementaires ont réduit considérablement les prérogatives des ministères de l’Environnement et des Peuples autochtones, démantelant ainsi leurs capacités d’action.

L’augmentation de la violence résulte de la volonté d’une majorité politique d’extrême droite favorable aux intérêts de l’agro-industrie. En proie à une croissante violence sur le terrain, la société civile brésilienne est également tenue dans l’ignorance du contenu de l’Accord.

Il est encore temps de dire stop à l’Accord UE-Mercosur

Il est donc urgent que la communauté internationale, y compris l’UE, reconnaisse l’importance de ces enjeux et prenne des mesures concrètes pour soutenir les efforts visant à garantir la justice sociale, les droits humains et l’environnement.

Il est crucial de sortir de la logique des accords commerciaux asymétriques, tels que l’Accord entre le Mercosur et l’Europe, qui favorisent les intérêts des grandes entreprises au détriment de l’agriculture paysanne et des droits humains. Les négociations doivent être menées de manière transparente, inclusive et respectueuse, en évitant les pratiques économiques insoutenables qui conduisent à la déforestation, à l’exploitation irresponsable des ressources naturelles et à l’aggravation des inégalités socio-économiques. Pour ce faire, les chapitres concernant le développement durable et le respect des droits humains doivent être rendus contraignants et assortis de mécanismes de sanction activables par les communautés impactées.

Il est temps de repenser la place de l’agriculture dans le commerce international afin de développer des systèmes alimentaires justes et durables qui préservent la biodiversité, soutiennent les pratiques agricoles durables des populations locales et garantissent le droit à l’alimentation pour tous et toutes.

Il est encore temps de dire stop à l’Accord UE-Mercosur et de mettre les droits humains au cœur des relations entre l’Europe et l’Amérique du Sud.

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Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.