L’intérêt d’étudier la pandémie en Iran repose sur plusieurs éléments. Tout d’abord, loin d’être un système centralisé, la République islamique voit, en temps de crise, différents acteurs institutionnels entrer en concurrence dans la gestion de la crise. Cet élément, de prime abord surprenant quand on aborde un système autoritaire, est intéressant à étudier. Ensuite, l’Iran est confronté à un contexte instable depuis de nombreux mois. Les sanctions américaines ainsi que les tensions sociales qui ont culminé avec d’importantes séquences de protestation encore en 2018 jouent un rôle à la fois dans les moyens à disposition du régime et dans les politiques mises en place. Enfin, l’angle macro-politique n’est pas le seul élément à prendre en compte. Le micro-politique voire l’infra-politique sont des éléments qui participent à la lutte contre le virus. Cette mobilisation par le bas entre en contact avec les mesures des autorités publiques et pose plusieurs questions sur sa pérennité.
Il s’agira donc de se pencher sur l’évolution de la gestion de la pandémie en Iran à la lumière de la réaction du régime ainsi que des associations locales et des institutions de santé. L’analyse portera non seulement sur les politiques prises par les autorités mais également sur le discours porté par le régime face à la crise sanitaire. Un autre point abordé touchera à la manière dont la gestion de cette crise est vécue au sein des différentes couches de la population et si celles-ci s’engagent dans de nouvelles formes de mobilisation. L’analyse ne pourra pas non plus faire abstraction de la crise économique et sociale que traverse le pays, afin de comprendre l’impact que certaines mesures ou l’absence de mesures a auprès de la population. Cette approche systémique permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la pandémie en Iran afin de s’éloigner des clichés abordant la crise sous l’angle du chaos sanitaire dont serait responsable un régime aux abois.
Le Covid-19 comme révélateurs des inégalités en Iran
C’est le 19 février que les deux premiers cas de contamination sont reconnus dans la ville de Qom, au sud de Téhéran. Ville cosmopolite, centre de pèlerinage et de tourisme important avec 20 millions de visiteurs par an, Qom devient l’épicentre d’une vague de contamination qui se répand dans un premier temps dans le centre du pays. Si les informations restent lacunaires sur la présence du virus en Iran avant cette date, charriant de nombreux doutes sur la volonté du régime de masquer l’état réel de la situation, l’ampleur des contaminations n’est plus niée à la fin du mois de février. Depuis lors, l’Iran reste confronté à une pandémie restée virulente. Le pays n’a connu qu’une seule vague, marquée par trois pics : le premier en mars-avril touchant le plateau central, le deuxième en juillet-août touchant des provinces frontalières et le troisième depuis la mi-octobre et touchant tout le pays.
Comment le régime iranien répond-il à cette crise sanitaire ? Le chercheur Maziyar Ghiabi en propose un bon résumé via le concept de « la gestion du désordre [1] ». La structure du pouvoir adopte des mesures non pas de manière proactive mais en fonction de la crise et de son intensité. La gestion est le fruit de multiples conflits, soit verticaux soit horizontaux. Au niveau de la structure du pouvoir, différents acteurs se sont ainsi opposés dans le cadre de la gestion de la pandémie. La mobilisation de l’appareil d’État contre l’épidémie ne se met en place que vers la mi-mars, aux alentours des fêtes du nouvel an. Dans un premier temps, le pouvoir va édicter des mesures semblables aux autres pays confrontés à la pandémie : restriction des voyages, fermeture des espaces publics et religieux, annulation des célébrations nationales et promulgation de mesures de distanciation sociale. La libération temporaire de prisonniers est également adoptée afin de lutter contre un essor de la pandémie dans le milieu carcéral. Cependant, les mesures n’iront jamais jusqu’à un confinement strict. Confronté aux sanctions américaines ainsi qu’à une gestion économique structurellement instable, le pouvoir en place n’a guère les moyens de supporter le choc d’un confinement complet. Les mesures viseront plutôt à limiter certains déplacements sans aller jusqu’à complètement restreindre l’économie, en insistant sur une « distanciation sociale intelligente » (faseleh gouzari edjtema’i houshmandi).
Cependant, la gestion de la crise peine à se coordonner efficacement. Les logiques de concurrences et de clientèles propres à la République islamique expliquent en partie cette situation. Si le gouvernement Rouhani met en place, dès la fin février, un État-major national de lutte contre le Coronavirus (Setad-e Melli Mobarezah ba Korona), dirigé par le ministre de la santé, il se voit vite concurrencé par les mesures provenant de l’appareil sécuritaire. Le 13 mars, le chef d’État-major des armées, le pasdaran Bagheri, annonce la mise en route d’un État-major pour la santé et le traitement du Coronavirus. Ce n’est que dans un troisième temps que les deux entités se retrouvent au sein d’un Conseil d’aide à la décision de l’état-major national contre le coronavirus.
Comment comprendre ce dualisme ? Si l’intention sécuritaire est motivée par la crainte de voir de nouvelles manifestations secouer le pays, un autre élément doit être ajouté. La coordination s’inscrit dans ce qui s’apparente à une dualité d’institutions classiques et révolutionnaires. Face aux actions du pouvoir « républicain », la structure « révolutionnaire », incarnée par les Pasdaran, se déploie également. Pouvant investir le champ social déserté par les structures publiques classiques, la coordination révolutionnaire permet de toucher un public plus large, en visant notamment les déclassés et les publics en-dehors de la protection sociale classique. Via par exemple la construction de centres d’accueil post-hospitalisation accessibles aux individus non couverts par la sécurité sociale, les Pasdaran assurent au régime une couverture sociale atténuant les impacts sociaux et économiques du choc sanitaire.
Ce que le pouvoir cherche d’ailleurs à présenter auprès de la population, c’est l’idée que l’Iran se retrouve à nouveau face à une guerre que l’ensemble du pays doit gagner. La rhétorique guerrière est particulièrement affirmée dans la communication officielle du régime. Imposé par l’extérieur, la victoire contre le virus nécessite une mobilisation nationale à l’image de celle face à la guerre imposée (Djang-e tamilli) contre le voisin irakien dans les années 80. La terminologie pour définir le personnels impliqué dans la lutte contre le virus s’inscrit dans ce comparatif avec les conflits dans lesquels l’Iran a été impliqué. Ainsi, le personnel médical reçoit le titre de « défenseurs de la santé » (modafeʻan-e salamat), terme dont le parallèle renvoie à celui de « défenseurs des mausolées » (modafeʻan-e haram) utilisé pour souligner l’intervention iranienne en Syrie. Les médecins et infirmiers sont aussi valorisés via une campagne massive de communication comparant leur combat à celui des combattants de la guerre contre l’Irak. Sur les réseaux sociaux et dans les espaces urbains, les affiches se succèdent mettant en parallèle médecin en tenue de protection et militaires en tenue de combat. Le martyrologe iranien est également mobilisé autour de l’idée d’une défense sacrée, reconnaissant le statut de « martyr » (shahid) au personnel de santé décédé du Covid.
En s’appuyant sur un référentiel historique, sur l’idée d’une crise dont la responsabilité est extérieure à l’Iran et sur une mise en route de structures de coordination touchant un large spectre de la population, le pouvoir cherche notamment à se préserver face à des contestations sociales dénonçant son incapacité à résoudre les crises sanitaires, sociales et économiques en cours. L’Iran est en effet confronté à une instabilité sociale renforcée par les sanctions américaines adoptées dans le cadre de la « pression maximum » contre la République islamique. Si l’économie iranienne ne s’est pas effondrée à la suite des sanctions américaines, la population est cependant confrontée à de nombreuses contraintes. Le chômage, qui touche 28 % des moins de 25 ans, oblige de nombreux Iraniens à trouver des revenus en-dehors de l’économie formelle afin de maintenir un niveau de vie décente [2].
Concernant près de 31 % de la population, ce secteur informel est en première ligne des mesures prises pour lutter contre la pandémie. Le virus devient un révélateur des inégalités sociales. En effet, avec les restrictions de déplacements ou d’ouverture de certains commerces, une partie de la classe ouvrière et de la classe moyenne inférieure voit ses moyens se réduire. Si les travailleurs « classiques » peuvent bénéficier de certaines mesures sociales, la situation est différente pour les travailleurs informels qui ne peuvent se confiner chez eux sans prendre le risque de perdre tous leurs revenus. C’est ainsi que pour nombre de ménages, le travail à domicile n’est pas une option. La situation est particulièrement préoccupante dans les périphéries des grandes villes, où vivent en majorité des travailleurs non qualifiés ou semi-qualifiés ainsi que des immigrés afghans dont les revenus sont en dessous du salaire moyen d’un ménage iranien. Dans le sud de Téhéran, diverses associations de quartiers rapportent notamment une augmentation du travail des enfants comme vendeurs de rue afin d’amener un revenu supplémentaire permettant de payer des loyers représentant parfois 50 % des dépenses des ménages [3]. Comme le rapporte l’association Bahamestan, la préoccupation principale n’est pas de se protéger de la pandémie mais bien d’éviter de se retrouver à la rue [4]. La pandémie s’éternisant, de plus en plus d’Iraniens se retrouvent confrontés à une impossibilité de subvenir à leurs besoins de bases. En avril 2020, l’économiste Amir Mahdavi détaillait les effets du coronavirus sur divers pans de l’économie en Iran : 20% des emplois existants exposés au chômage complet. 9% de la valeur ajoutée produite par l’économie iranienne menacée de disparition [5]. Le taux de chômage aura finalement explosé, atteignant pour le pays le taux de 24 % de la population, comme le rapportait en novembre 2020 le centre de recherche du parlement [6]. Les conséquences de cette situation deviennent également sanitaires. Incapables de dégager des revenus, de nombreux ménages ne parviennent plus non plus à trouver des moyens pour payer les traitements médicaux nécessaires à la lutte contre le virus. Depuis mars 2020, ce serait ainsi un million d’Iraniens qui seraient passés sous le seuil de pauvreté à la suite de dépenses médicales trop importantes. Malgré un remboursement des soins et des médicaments couvrant en moyenne 70% du coût des médicaments et 90% des coûts des hôpitaux publics, nombre d’Iraniens ne parviennent plus à avoir accès aux divers traitements nécessaires. À Téhéran, ce sont 63% des habitants qui n’ont ainsi pas un accès suffisant aux produits médicaux. 74% pointent le manque d’articles sur le marché. 22% n’ont pas les moyens financiers de les payer [7].
Dans ce cadre, l’administration Rouhani n’a eu d’autre choix que de débloquer des moyens financiers pour venir en aide aux catégories sociales les plus impactées. Au moment du premier pic, des prêts ont été accordés à quatre millions de ménages à faibles revenus, notamment des chauffeurs de taxi, des colporteurs et des travailleurs saisonniers. Des prêts ont aussi été débloqués pour des entreprises en situation difficile avec un taux d’intérêt accessible. De nouvelles mesures ont été confirmées en novembre, visant les couches sociales vulnérables dont les activités seraient lésées par les nouvelles restrictions. Ces mesures d’endiguement du virus contribuent à la contraction du PIB de 3,5%, PIB déjà en récession de part les sanctions américaines. Si ces politiques de soutien permettent aux plus précaires d’obtenir certains moyens de crise, l’inflation galopante finit cependant par peser. Entre mars 2019 et septembre 2020, l’Iran aura vu les prix des biens de base monter en flèche, de 55 % pour certains produits comme le thé et le sucre à 100 % pour les pâtes ou le riz importé. Avec une inflation mensuelle de 7 % par mois en un an et demi, la population se retrouve dans une situation sociale laissant peu de marges de manœuvre.
Ces différentes mesures restent cependant en-deçà des attentes de la population. Si des manifestations ne secouent pas le pays, l’administration Rouhani est néanmoins critiquée pour ses politiques vagues et manquant d’effets contre le virus. Le manque de statistiques transparentes, l’examen inexact des causes de la maladie et le manque de tests approfondis conduisent une partie de la société iranienne à vivre dans une situation d’insécurité dont les conséquences restent encore floues. Si ce sont les groupes les plus vulnérables qui en sont particulièrement touchés, les familles de la classe moyenne sont aussi confrontées à la peur du déclassement et aux dangers liés à la dégradation de la santé mentale. Face à ces risques, différentes mobilisations locales se sont mises en mouvement afin de palier aux lacunes et absences des institutions publiques.
De nouvelles solidarités ? Mobilisations locales face à la crise sanitaire
Tentant de répondre à certaines détresses, différents réseaux d’entraide se sont organisés afin de venir en aide aux personnes affectées directement ou indirectement par le virus. Ces réseaux de solidarité trouvent leurs origines autour de diverses formes de communautés : la parenté (tâyafeh), le quartier (mahalleh), le confessionnel (heyat), … assurant la défense du groupe et la protection mutuelle de ses membres. À ces réseaux classiques s’ajoutent les plate-formes virtuelles qui facilitent les échanges et proposent d’autres mécanismes de solidarité. Ces derniers se sont développés entre les acteurs de la santé et la population ainsi qu’entre différentes catégories de population.
Une première action au niveau local est celle donnée par le système de santé. S’il est largement subsidié en Iran, le système de santé et ses soins de 1ère, 2ème et 3ème lignes est marqué par une certaine concurrence entre les prestataires de services [8]. Cette concurrence et une couverture sociale assurée par divers prestataires rend le système peu clair mais lui permet de toucher une large partie de la population. Particulièrement développé, le système de soins de santé iranien est présent des grandes villes aux villages plus reculés. Ce système trouve certaines de ces racines dans les années qui suivent la révolution, avec la mise en place de structures locales, via des médecins se déployant partout dans le pays. Une médecine de base, rurale, s’est ainsi développée autour de compétences adaptées aux contextes rencontrés. Ce système joue à la fois sur la flexibilité, la rapidité et la proximité, permettant notamment une prise en charge des malades dans une zone géographique plus proche, sans devoir assurer des transferts vers des centres urbains parfois éloignés. Cette proximité a permis à nombre de généralistes d’être au côté des personnes contaminées par le virus aux différents endroits du pays. De leur côté, les réseaux sociaux ont été mis à contribution pour informer la population et conseiller les personnes atteintes de divers symptômes. Différents généralistes se sont aussi organisés via des canaux Telegram afin d’offrir gratuitement certaines consultations aux personnes en situation d’urgence, par exemple autour de la santé mentale ainsi qu’en informant sur la situation de la pandémie et son traitement [9]. Dans l’autre sens, divers dons ont été réalisés par des particuliers vers les hôpitaux, allant de matériels médicaux aux masques, comme à Divandarreh dans le Kurdistan iranien [10]. En effet, si pas loin de 184 000 membres du personnel des hôpitaux et des soins de santé s’activent depuis le début de la pandémie en Iran à lutter contre le Covid-19, leurs efforts sont contrecarrés par la pénurie de kits de test, d’équipements de protection et de ventilateurs [11]. Les sanctions américaines empêchent l’importation d’équipements et médicaments nécessaires à la lutte contre le virus. À nouveau, les réseaux sociaux sont utilisés pour échanger sur les médicaments en pénurie et identifier commerces ou particuliers disposant encore de stocks.
Le secteur associatif s’est également impliqué face aux absences des services publics. L’Association scientifique des travailleurs sociaux d’Iran a ainsi organisé des plate-formes en ligne proposant des services relatifs à la santé mentale des femmes et des enfants [12]. Dans les grandes villes comme à Téhéran où les flux migratoires sont importants, les institutions publiques, en difficulté pour entretenir les liens avec des communautés non enregistrées, se sont vus suppléées par diverses associations locales. Actives dans les quartiers sud de Téhéran comme Eslamchahr, à forte population immigrée et cluster de la pandémie, ces associations ont pris en charge des sans-domiciles fixes ainsi que des toxicomanes touchés par le virus et lâchés par le système. Des associations caritatives et de quartiers se sont notamment coordonnées avec les travailleurs sociaux pour fournir des masques et des gants aux ménages précarisés. De son côté, le clergé chiite s’est aussi investi dans diverses missions d’assistances aux plus démunis. Les fondations religieuses (Bonyad) ont débloqué divers moyens financiers de même que des services d’entraide à l’image de banques alimentaires.
Il convient toutefois de ne pas idéaliser les mobilisations locales qui s’activent face à la pandémie. Les réponses apportées par ces actions sont d’abord de court terme et destinées à répondre à une crise sanitaire qui finira par s’éteindre. Cependant, le partage d’expériences, la mise en route de nouvelles pratiques d’organisation, les liens transversaux entre différentes classes et la mémoire commune qui en émergent peuvent contribuer à fabriquer un imaginaire social qui laissera des traces d’autant plus profonde que la crise sanitaire dure dans le temps. Si ces formes de mutualisme ne représentent pas encore un mouvement social (joumbesh ejtema’i), elles permettent peut-être de faire émerger une action (kounesh) à suivre à l’avenir. De nouveaux liens de solidarités se sont ainsi mis en place face à une incapacité de l’État d’assurer son rôle de soin et de protection. Interroger ces nouveaux liens est d’autant plus pertinent en Iran que la République islamique tire une de ses légitimités autour du discours de la défense des oppressés (mostazafin). La pédagogie de protection des opprimés qui se réalise en-dehors du discours classique du régime n’est pas anodine. Si le discours du pouvoir tente de faire le syncrétisme entre le personnel hospitalier et celui des martyrs de la guerre imposée, il reste que dans les faits les mesures sociales et économiques visant à protéger les plus faibles restent parcellaires.
Conclusion : la crise du Covid-19 comme reconfiguration des politiques ?
En novembre 2020, plusieurs dizaines de médecins ont à nouveau pris position dans l’espace public pour que des mesures plus strictes soient adoptées afin de lutter plus efficacement contre la pandémie, en vain. Coincé par des contraintes internes et externes, le régime ne parvient pas à répondre efficacement aux conséquences de la pandémie ni même à prévenir sa diffusion. Suppléant aux absences officielles d’entraide et de solidarité, divers acteurs sociaux se sont engagés dans des mesures d’entraide et de solidarité. Bien que ces actions restent circonscrites à certains espaces, elles présentent une volonté d’autonomie de collectifs en période de crise.
Deux questions se posent. Tout d’abord celle de la pérennité de ces mouvements dans le temps. Les différents mouvements sont loin d’avancer de manière structurée. De même, le caractère collectif des mobilisations locales restent encore à étudier. Loin d’avoir une stratégie claire, des initiatives répondent avant tout à un besoin proche dans l’espace et dans le temps. Des logiques concurrentielles peuvent aussi apparaître. En outre, le sentiment de constituer un univers politique distinct ne semble pas partagé.
L’autre question est celle des limites entre la capacité d’action de la mobilisation de la base et celle de la bureaucratie étatique. Les séquences de tensions sont des moments où se chevauchent les espaces de l’État et de la société. Comme l’a démontré Fariba Adelkah, ces deux espaces s’influencent réciproquement, loin d’être interpénétrables ou irrémédiablement hostiles l’un à l’autre [13]. Des pratiques se lancent, sont partagées et s’éprouvent dans le temps, renforçant un travail militant en cours de construction [14]. La question de la « gestion du désordre » n’est peut-être donc pas tant le reflet d’un État chaotique que celle d’une concurrence entre différents acteurs ayant besoin les uns des autres pour assurer leur devenir. Il restera donc à voir comment la structure publique intégrera les initiatives locales ou non.