Entre bandes criminelles surpuissantes, brigades d’autodéfense chauffées à blanc et mercenaires de la sécurité privée, l’Etat haïtien, complètement dépassé, est incapable de maîtriser la flambée de violence qui s’étend en Haïti.
Dans les quartiers de Port-au-Prince, à Cité Soleil, Carrefour Feuille ou Martissant, partout les mêmes scènes se rejouent. Des riverains qui ne dorment que d’une oreille et bondissent de leur lit quand, au beau milieu de la nuit, des rafales d’armes automatiques retentissent. Ce bruit, c’est le signal de départ pour les populations contraintes de quitter leur domicile pour éviter d’être enlevées, violées ou décapitées par les gangs contrôlent aujourd’hui les trois-quarts de la capitale haïtienne. Si la violence a toujours été présente en Haïti, elle atteint aujourd’hui des sommets. Pour la seule année 2023, 8 000 personnes ont été tuées et 200 000 autres ont été déplacées selon l’ONU. L’Etat, qui a longtemps assis son autorité sur le recours à ces groupes armés, semble complètement dépassé. Le Premier ministre Ariel Henry, qui assure l’intérim depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, n’a aucune légitimité et ne peut opposer à ces puissants gangs qu’une poignée de policiers impuissants. Son pouvoir de façade ne tient qu’à un fil - et surtout à l’espoir de voir une force policière internationale venir rétablir l’ordre dans le pays.
L’expansion territoriale et la montée en puissance des gangs témoignent-t-elles d’un effondrement de l’Etat, déjà très affaibli ? Jusqu’ici très liées aux élites politiques et économiques, les bandes armées sont-elles en train de prendre leur indépendance vis-à-vis du pouvoir ? Et enfin, comment les populations abandonnées par l’Etat s’organisent-elles pour assurer leur survie ?
Avec :
- Romain Le Cour Grandmaison : Docteur en Science Politique de l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et Expert Senior chez Global Initiative.
- Frédéric Thomas : Docteur en sciences politiques, chargé d’étude au CETRI
- Alice Corbet : anthropologue, chercheuse au CNRS et au LAM (Laboratoire Afriques dans le Monde)
À lire également :
En Haïti, la capitale Port-au-Prince est sous le contrôle violent des gangs armés, l’article de Wahoub Fayoumi paru sur la RTBF le 23 janvier, reprenant les analyses de Frédéric Thomas (CETRI).