Depuis son accès au pouvoir, le premier janvier 2019, Bolsonaro s’est attaqué aux organisations et mouvements sociaux, en réduisant leurs capacités d’actions, en les menaçant, en contrôlant, diminuant ou supprimant leurs financements. Les violences, notamment policières, à leur encontre ont augmenté, accentuées par la prolifération des milices paramilitaires dans les quartiers populaires. Les réseaux sociaux, principales sources d’informations pour une grande partie de la population, sont gangrenés par des groupements d’extrême droite qui les utilisent pour faire circuler leur haine : fake news, propos racistes, xénophobes, anti-LGBTQIA+, machistes, haineux qui servent l’actuel Président.
L’Association brésilienne des ONG (Abong) [1] et la majorité de la société civile brésilienne dénoncent un renforcement de la présence policière, la militarisation de l’Etat, la présence de milices dans les territoires. Le journal JOTA fait mention d’un rapport de 2021 de la Cour fédérale des comptes (TCU) qui a montré que, sous la présidence de Bolsonaro, le gouvernement fédéral a plus que doublé la présence de militaires à des postes auparavant occupés par des civils. Ils seraient plus de 6.000, soit le double du nombre recensé lors de la présidence précédente.
D’autre part, selon Global Witness, la déforestation dans les territoires indigènes a fortement augmenté. En parallèle, on constate une augmentation significative des assassinats de dirigeantes et dirigeants indigènes, afro-brésiliens. Le Brésil est désormais le quatrième pays le plus meurtrier pour les défenseurs et défenseuses de l’environnement. Pour la Commission pastorale de la terre, il y aurait eu en 2021 1.768 conflits dans les territoires pour des disputes liées à l’accès à la terre, à l’eau ou au travail, et une augmentation de 75 % du nombre d’assassinats lors de conflits ruraux la même année, principalement dans la zone amazonienne [2].
La redoutable « Alliance des 3 »
Deux autres éléments sont essentiels dans la compréhension de la situation actuelle : premièrement, l’influence grandissante des églises néo-pentecôtistes, non seulement dans les médias, mais également dans l’administration et la représentation politique [3]. Deuxièmement, l’augmentation de la présence d’armes au sein de la population brésilienne et principalement parmi les sympathisants de Bolsonaro. Le nombre de personnes ayant des licences de port d’arme est passé de 117.467 en 2018 à 673.818 aujourd’hui. Une augmentation de 474 %, selon le journal UOL. L’affaiblissement du contrôle des ventes d’armes par le gouvernement de Bolsonaro sert notamment à des groupements radicalisés pour menacer les organisations opposées au Président, ce qui représente un danger extrême en cas de perturbations lors des élections.
Au sein des institutions politiques, l’alliance des « trois B », à savoir le bœuf, la Bible et les balles, constitue un lobby extrêmement puissant qui n’hésite pas à marcher sur les principes démocratiques pour parvenir à ses fins.
Démocratie en danger
La démocratie brésilienne est encore jeune et a dû passer par de nombreux écueils. Mais c’est la première fois depuis 1985 que le processus électoral est lui-même en danger. Ces derniers mois, Bolsonaro multiplie les mobilisations et provocations pour préparer ses partisans à refuser le résultat des élections s’il n’était pas réélu, si elles n’étaient pas « propres », sans définir ce qui serait pour lui une élection « propre ». Pour l’Abong, la possibilité de « coup d’Etat », tel qu’on les concevait au XXe siècle en Amérique latine est peu probable, mais une déstabilisation et une insurrection proche de ce qui s’est passé aux Etats-Unis en 2020 avec la remise en cause des élections par Donald Trump, est envisageable et hautement dangereuse. Au Brésil où le vote est obligatoire, Bolsonaro remet en cause le système du vote électronique, pourtant reconnu internationalement comme sûr et performant.
Envoyer un message clair
A quelques jours du premier tour du scrutin, l’inquiétude internationale augmente, même s’il est assez probable qu’un deuxième tour soit nécessaire pour départager les candidats. Le moment de toutes les tensions aura lieu autour du deuxième tour et de la proclamation des résultats, le 30 octobre. Dans un contexte électrique, si Bolsonaro ne reconnaissait pas les résultats, cela pourrait déboucher sur des perturbations qui pourraient servir à justifier une intervention militaire. C’est pourquoi il est essentiel que les responsables politiques du monde entier réagissent rapidement à la proclamation des résultats : quelle que soit la personne qui sera désignée par le peuple brésilien, la communauté internationale doit signifier clairement qu’elle ne tolérera pas de remise en cause des institutions démocratiques brésiliennes. Il est donc crucial que nos responsables politiques belges et européens reconnaissent le vainqueur de l’élection : il ne s’agira pour une fois pas uniquement d’un rituel de relations internationales, mais d’un message clair en faveur de la démocratie.