Ce jeudi 9 février, soudainement, le régime Ortega-Murillo a procédé à l’expulsion de 222 prisonniers d’opinion. Direction les États-Unis… qui ont facilité la « déportation », selon les termes du magistrat ortéguiste qui a rendu publique la démarche. Emprisonnés dans des conditions insoutenables depuis des semaines, des mois ou des années, condamnés pour la plupart à des peines de 8 à 13 ans de prison pour avoir critiqué le pouvoir en place, les voilà subitement « libérés ». Libres, mais bannis, déchus de leurs droits civils et politiques au Nicaragua, déchus de leur nationalité nicaraguayenne.
Parmi eux et elles, des amis et des partenaires historiques du Centre tricontinental – CETRI. Des sandinistes de la première heure ou leurs descendants, comme Dora María Téllez, Oscar René Vargas, Victor Hugo Tinoco, Ana Margarita Vijil, Tamara Dávila Rivas, etc. dont nous avons déjà parlé sur ce site (https://www.cetri.be/+-Nicaragua-+) et qui, comme tant d’autres, se sont opposés d’abord aux dérives droitière, conservatrice et autocratique du couple Ortega-Murillo, ensuite au délire autoritaire et répressif de ces dernières années.
Que va gagner le régime ortéguiste en retour de cette nouvelle manœuvre ? Du temps, encore et toujours ? De l’argent, la confirmation de nouveaux prêts ? De nouveaux pourparlers avec la « communauté internationale » ? Ses relations avec les États-Unis sont pour le moins ambivalentes. Si ces derniers le taxent par intermittence de « tyrannie » depuis la répression du soulèvement populaire de 2018 (plus de 300 tués par balle), et sanctionnent (gel des visas et des avoirs aux États-Unis) des figures proches de la présidence, ils n’en demeurent pas moins le premier investisseur et le partenaire commercial privilégié (et de loin !) du Nicaragua ortéguiste, après l’avoir régulièrement félicité et remercié entre 2007 et 2018 pour son ouverture économique, sa fermeté migratoire et sa stabilité sociale. Le Fonds monétaire international (FMI) vient d’ailleurs, le 27 janvier dernier, de complimenter une nouvelle fois l’orthodoxie libérale des politiques financières nicaraguayennes.
Puisse cette expulsion de 222 opposants et opposantes hors des prisons et du pays participer à la constitution et à l’articulation d’une force nicaraguayenne mobilisatrice à même de lutter pour l’indispensable démocratisation politique et sociale du Nicaragua.
* Lire notamment cette tribune de ce jeudi 9 février signée Sergio Ramírez, écrivain, ancien vice-président sandiniste du Nicaragua : https://www.jornada.com.mx/2023/02/10/opinion/014a1pol