Depuis la fin du mois d’août, plusieurs pays du « Sud global » sont secoués par des mouvements de protestation menés par de très jeunes gens, entre 15 et 25 ans. Un an après le renversement du régime en place au Bangladesh, les jeunes Indonésiens sont à leur tour descendus massivement dans les rues pour protester contre les privilèges accordés aux députés. Au Népal, c’est le luxe dont jouissent les enfants des oligarques qui a mis en colère les jeunes : ils n’ont pas hésité à mettre le feu à des institutions pour lesquelles ils n’ont que défiance. Les jeunes de la génération Z du Pérou, de Madagascar et du Maroc ont suivi le mouvement. Un phénomène que décode Frédéric Thomas, docteur en science politique et chargé d’étude au Cetri (Centre tricontinental, Louvain-la neuve), en mission sur ce thème au Maroc.
Après plusieurs semaines de mobilisations, comment décrivez-vous la situation au Maroc ?
Le mouvement GenZ 212 continue, avec une vraie capacité à innover, à se renouveler. Le groupe de base, sur la plateforme Discord, regroupait 500 personnes. Ils sont aujourd’hui plus de 180.000 à chatter, à discuter des actions à venir, à voter. Chaque soir, ils décident du lieu et de l’heure des prochaines manifs, du fait de s’habiller en noir pour montrer qu’ils sont en deuil après la répression qui a tué trois manifestants. Cette mobilisation met en évidence la défaillance des politiques, le scandale d’un pays à deux vitesses. Les jeunes dénoncent le décalage énorme entre d’un côté la belle vitrine du Maroc, première destination touristique en Afrique, dotée d’un secteur des affaires rutilant, de stades flambant neufs, en pleine préparation de la CAN (Coupe d’Afrique des nations) et de la Coupe du monde, et puis de l’autre, la triste réalité des services publics et des jeunes qui sont sans emploi, avec des études qui ne valent plus grand-chose. Cette énorme colère cible la corruption, qui est comme un miroir grossissant sur la pauvreté, l’absence de perspectives.








