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Accord de partenariat économique global entre l’UE et l’Indonésie (CEPA) : position de la Plateforme belge pour le commerce équitable et durable

En juillet 2016, l’Indonésie et l’UE ont lancé des négociations en vue d’un accord commercial connu sous le nom d’Accord de partenariat économique global (CEPA). Les négociations ont récemment repris, bien qu’elles n’aient pas donné lieu à des cycles de négociations formels, mais plutôt à des échanges électroniques entre les parties européenne et indonésienne. Les négociations pourraient s’achever au cours de l’année 2025.


Les syndicats, ONG et OSC belges énumérés ci-dessus souhaitent faire part des préoccupations suivantes aux gouvernements fédéral et régionaux belges, aux parlements fédéral et régionaux belges et aux membres belges du Parlement européen :

  • Rendre le chapitre sur le commerce et le développement durable (TSD) exécutoire

Il est actuellement difficile de déterminer si le chapitre consacré au commerce et au développement durable va au-delà de quelques directives et engagements non contraignants. Nous demandons que le chapitre sur le commerce et le développement durable soit basé sur la dernière communication sur la politique commerciale de l’UE et qu’il soit assorti de sanctions exécutoires déterminées par le chapitre central sur le règlement des différends. Il devrait inclure des engagements sur les droits du travail, le climat, les droits humains et les droits des peuples indigènes. Nous demandons également l’inclusion d’une feuille de route pour la mise en œuvre des engagements. Les objectifs du TSD sont là avant tout pour améliorer la durabilité de l’accord. Aucune clause risquant de saper la marge de manœuvre politique de l’UE – telle que le « mécanisme de rééquilibrage [1] » figurant dans l’accord – ne doit être figurer dans l’accord, car elle servirait de prétexte pour affaiblir la législation européenne en matière de durabilité, comme le règlement de l’UE sur la déforestation (RDUE).

  • L’Indonésie doit améliorer les conditions de travail et les droits des travailleur·euses

Selon l’indice mondial des droits de la CSI (cat. 4), les droits du travail sont systématiquement violés en Indonésie. En raison de changements législatifs récents, l’Indonésie ne respecte pas les conventions fondamentales de l’OIT. Au cœur de cette situation se trouve la loi Omnibus indonésienne, très controversée (loi 11 de 2020 sur la création d’emplois), adoptée en octobre 2020. Cette loi réduit considérablement la protection des droits du travail et compromet les conditions de travail, violant à la fois la lettre et l’esprit des Normes fondamentales du travail. Nous exigeons que la ratification et le respect par l’Indonésie, en droit et en pratique, de toutes les conventions fondamentales de l’OIT [2] soient une condition à la signature de cet accord. Si certains engagements ne pouvaient être respectés avant la signature, ils doivent être inclus dans la feuille de route déjà mentionnée.

  • Promouvoir le développement industriel et l’exploitation minière durable

L’UE devrait reconnaître la différence de développement industriel entre les deux régions et accepter un niveau de protection du marché plus élevé de la part de l’Indonésie que de l’UE. L’Indonésie devrait disposer d’une marge de manœuvre politique suffisante pour mettre en œuvre des stratégies économiques garantissant l’approvisionnement national et le développement industriel. En particulier, pour les matières premières critiques telles que le nickel, l’Indonésie devrait avoir la possibilité d’assurer la création de valeur ajoutée locale. L’UE devrait encourager ce processus en partageant la technologie nécessaire tout en exigeant de l’Indonésie qu’elle progresse en matière d’exploitation minière plus durable, notamment en ratifiant la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, qui consacre le consentement libre, préalable et éclairé des populations indigènes pour les projets miniers. L’accord doit faire explicitement référence aux « Lignes directrices de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque » en tant que lignes directrices et norme de référence pour tous les investissements miniers dans les États membres partenaires de l’accord.

  • Rejeter les tribunaux antidémocratiques de protection des investissements privés

L’accord ne devrait pas inclure le règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) ni le système plus récent de la Cour d’investissement (ICS). Ces mécanismes de règlement des différends ont été et sont utilisés de manière abusive par les entreprises. Les frais de justice et les compensations qu’un État doit payer se font aux dépens des services publics. Les litiges entre investisseurs et États, dans l’attente d’une Cour multilatérale d’investissement indépendante au niveau des Nations Unies, devraient être traités par les tribunaux nationaux.

  • Renforcer la souveraineté alimentaire

Le système alimentaire indonésien évolue aujourd’hui vers un système alimentaire industriel, dont l’État et les entreprises sont les deux principaux moteurs. Les agriculteur·rices et les communautés indigènes sont de plus en plus exclus de leurs terres. Les conflits agraires endémiques menacent leurs droits fonciers et les rendent vulnérables à la criminalisation. En conséquence, non seulement le nombre de petits agriculteurs a chuté, mais la transition vers un système alimentaire dominé par le riz et les aliments ultra-transformés a entraîné une réduction drastique de la biodiversité. Cette situation a aggravé l’insécurité alimentaire et la faim. En favorisant les exportations et les cultures à grande échelle dominées par les entreprises (comme l’huile de palme), le CEPA est très préjudiciable à la sécurité alimentaire et augmente l’impact climatique du système alimentaire indonésien. Enfin, l’accord doit contenir des mécanismes suffisamment solides pour protéger les droits des petits agriculteurs autochtones et des travailleurs des plantations. La ratification de la Convention 129 (Convention sur l’inspection du travail agricole) est considéré comme une première étape indispensable.

  • Garantir la transparence des négociations

Nous demandons plus de transparence sur le contenu des négociations commerciales. Aujourd’hui, très peu d’éléments de contenu sont officiellement communiqués en dehors des propositions de texte publiées par la Commission européenne en 2017 et 2021 et des déclarations publiques générales. Les textes plus récents ou les résultats des négociations ne sont pas publics, seulement pour un nombre limité d’eurodéputés faisant partie du groupe de suivi UE-Indonésie. Ces derniers ne sont pas autorisés à partager des informations détaillées sur le contenu de l’accord. Ce manque de transparence entrave le nécessaire contrôle démocratique des États membres et des autres parties prenantes, telles que les organisations de la société civile, tant en Indonésie qu’en Europe.

Signataires :


Notes

[1Le projet d’accord UE-Mercosur prévoit un tel mécanisme de rééquilibrage. Extrait de l’analyse du professeur Antoine Bailleux, professeur de droit européen et de théorie juridique à l’UCLouvain - Saint-Louis (Bruxelles) : « Cette clause dite “de rééquilibrage” permettrait aux pays du Mercosur d’engager une procédure d’arbitrage contre l’UE au motif que la législation européenne en matière de protection de l’environnement ou de la santé publique entrave l’accès des produits du Mercosur au marché de l’UE, ce qui affecterait de manière significative les avantages auxquels les pays du Mercosur ont droit en vertu de l’accord de libre-échange. En d’autres termes, les mesures de l’UE qui ne sont pas contraires aux dispositions de l’accord de libre-échange, mais qui réduisent considérablement les avantages qui en découlent, pourraient donner lieu à des contre-mesures de la part des pays du Mercosur et à une obligation pour l’UE de leur accorder une compensation. Bien que cette compensation ne doive pas nécessairement prendre la forme d’un retrait de la législation concernée, un tel retrait (ou une modification) est considéré comme une mesure corrective adéquate [article XX.20, paragraphe 5, point b), de l’ALE].

[2Convention sur la sécurité et la santé au travail (Convention n° 155), Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé (Protocole n° 29), Convention sur la politique de l’emploi et la gouvernance (Convention n° 122), Convention sur l’inspection du travail (agriculture) (Convention n° 129)


Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.